Jour de noces

   Les uns, côté mariée, hommes qui se dérobent et femmes que tout inquiète, sont venus, surgis de nulle part (de la noue, des haies, des coteaux et des murs, des arbres éviscérés par les orages), dans un costume, mi de dimanche et mi de messe, qu’ils portent pour la vie jusqu’aux funérailles, enterrés avec. Les autres composent un parlement d’airs gênés : on les sait de la ville, ouvriers qualifiés, typographes, alphabètes, maîtres de la police des caractères, imprimeurs au plomb, ce poison lent. Je cherche, à la loupe, à la forme des yeux du jeune époux s’ils ont, peut-être, la couleur pierre de lune, les signes avant-coureurs de sa maladie mortelle du sang. Et si le ventre de l’épouse, noyée dans un trop-plein de blanc qui la mange et l’efface, est déjà plein du premier prénom d'une suite de futurs orphelins, tous faits, grâce à un matériel de traits invariables, à la ressemblance de leur père et pour seul souvenir de lui.

Comments

[P.]

On ne peut pas dire, en effet, qu'ils sont à la noce (c'est facile, mais pas pu m'en empêcher !). Le lecteur, sous l'effet d'une telle acuité verbale, se transforme quant à lui en voyeur et s'aperçoit, avec joie, que ce que le cliché cachait, les mots le lui ont révélé...