Pensant à l'Iliade
N'en déplaise, si l'on évoque Homère, mais les scènes de ménage, dans l'Iliade, des dieux vétilleux et mesquins, tous cousins cousines issus du même – aristocratie des nuages, occupée à se toucher le genou et descendre à la cave à nectars – prêtent parfois à sourire ; quand, sur Terre, Hélène se montre plus criarde et tenace qu'une marchande de beurre ; quand les Achéens, taureaux têtus, partent se battre à un autre bout du monde qui se trouve être le rivage en face (ici, l'on sent une maîtrise flottante des proportions, de la mesure et des distances), pour des motifs si hasardeux, si ténus, que, esprits volatiles, ils finissent par les tous oublier : Ah ! certes, dit le poète, qui n'est pas dupe, les dieux, ces commères, ces mouches malades d'excitation, doivent sans cesse leur zézayer à l'oreille que Pâris, bel Alexandre, inflexible s'il est tout nu sur le lit, mais pleutre dans son armure en or (un mannequin de mode, en somme), a volé la belle Hélène, cette poire, cette boutiquière, à Ménélas aimé des dieux, brute épaisse notoire, patron d'abattoirs. Battez-vous donc, qu'ils leur disent. On adore Achille : il boude sans cesse dans son coin, à jouer du javelot avec lui-même, comme tous les gosses de riche et de déesse. L'Iliade est, à côté de l'Odyssée et de l'Ancien Testament, le plus grand livre de genre fantastique, malgré des héros ordinaires.