La civilisation disparue de Constant Puyo
La civilisation intercalaire de Constant Puyo a disparu. Elle occupait, entre deux siècles, une région floue qu’aucune carte ne situe. Il s’agit d’un monde intérieur, où les eaux et le règne végétal prépondèrent. Des filles, souvent graciles, que tout amuse, le peuplent. On les rencontre partout, issues de nulle part. Surchargées de fleurs, de brassées de lys et de glaïeuls, ces créatures qui s'esclaffent, sautent, s'étonnent, arpentent sans cesse, par trois, les forêts denses et les chemins creux. Ou bien, l'une d'elles, qui s'est écartée, sort nue et joyeuse de la baignade : les salicaires dissimulent son sexe. Celle-ci, qui fait des mines et prend des poses, cherche à la surface d’un étang quelques défauts à sa douce raison d’être. Au pays provisoire de Constant Puyo, les femmes plus âgées, sensibles aux dégâts du vent, vivent à l'ombre d'une lampe. Un livre maroquiné, ouvert toujours à la même page, les hypnotise. Bientôt, elles seront mortes et iront, sous les formes les plus anciennes d’une dame obscuricole, d’une silhouette en vergé noir ou d’un gaz, à travers une campagne imprécise que rien ne parfume.