Julien Gérardin, La Pépinière, 1905
C’est tôt samedi matin, 30 septembre 1905. Il faut attendre que le charbon coke jeté dans les poêles des grandes maisons, que l’haleine des gens réveillés, que les muscles des chevaux de traction, que les tramways électriques qui se croisent et frottent, que le petit pas gymnastique des dames qui vont à la messe basse, que la cohue enrouée du peuple des halles, où tempêtent les animaux bientôt mangés, chauffent assez l’air et la ville. Il faut, en somme, faire se lever la brume bleue de condensation du bel automne, qui gêne la vue. On devine que le corps des jardiniers municipaux, réunis en demi-lune derrière le photographe, s'impatiente, chiquant tabac et battant pavé. Ou bien ils ricanent sous cape des vices du notaire Gérardin, artiste amateur, célibataire à femmes, bourgeois bizarre. Les pelouses n’ont pas été essuyées de la veille, ni rien de ce que la foule a bousculé, désarrangé. Il y a partout des traces de pied et, si l’on cherche mieux, sous les arbres grandioses et autour des bassins, une quantité d’objets oubliés, mouchoir, petit jouet, cigare.