Radegonde
On murmure que tout Radegonde, réfugiée au Poitou, tient désormais en quelques phalanges, dressées en l’air, torréfiées lors de l’incendie de sa cuve tombale, remplie de doléances. Notre époque, un peu sotte, un peu gamine, gagnée au jeu du graffiti, des signes ostentatoires et des gestes de ralliement, ne peut être insensible à ces méchants doigts dits d’honneur. Ou bien sont-ils adressés, dans l’au-delà, à son roi des Francs d’époux, le rustique Clotaire, assassin plus ou moins du père, des oncles, puis du frère captif de cette fille thuringienne, qu’il se maria sous la contrainte, prise de guerre d’envergure, Sabine tardive sans défense. L’hagiographie a des trous, rebouchés avec de la poésie, mais l’on devine pour quels motifs, y compris peut-être celui d'un sacré caractère, la jeune reine sans cesse fuguait, pourchassée, à travers un royaume encore étroit, par ce mari coléreux de vaudeville mérovingien. Elle se jeta où même un roi stupide, et tueur en série, ne pouvait la suivre, dans les bras sans sexualité, mais inflexibles, du dieu d’alors. La postérité est unanime autour du nom de la reine recluse qui, devenue sainte relique, bénéfique et clémente, pouvait bien s'accorder, à la faveur des cryptes, un mouvement de facétie.